Loin d’être une crise de production agricole, la crise alimentaire actuelle est une crise des prix. Avec l’agression de la Russie en Ukraine en février 2022, une troisième crise alimentaire internationale en 15 ans est née. Le CCFD-Terre Solidaire a organisé ce mercredi un colloque intitulé "Crise alimentaire : fatalité ou scandale ?" visant à pointer du doigt les limites d'un système mondial qui n'est pas résilient.
La spéculation financière a déjà joué un rôle important dans la flambée des prix alimentaires lors des crises de 2008 et 2011. Avec la pandémie de 2020 et la guerre en Ukraine, cette crise alimentaire revient sur le devant de la scène.
La spéculation, qui consiste en une opération financière ou commerciale fondée sur les fluctuations du marché, "a fait augmenter de 30 % les prix du marché parisien une semaine après l'attaque russe en Ukraine", note Jean-François Dubost, responsable du plaidoyer de CCFD - Terre Solidaire. Bien qu'il n'y ait aucune transparence sur les acteurs de la spéculation, il remarque la "corrélation entre les hausses du marché et les outils de spéculation".
Effectivement, le principal problème pour décrypter les causes de ces insécurités alimentaires est l'opacité du marché. Identifier les spéculateurs ne pourra se faire qu'en réorganisant la gouvernance alimentaire internationale. Les experts scientifiques et économiques présents au colloque s'accorde sur ce point. Ceci étant, Jean-François Dubost insiste sur l'urgence d'agir malgré les données cachées des spéculateurs : "nous avons besoin de cet appui scientifique mais nous ne devons pas l’attendre pour prendre des décisions politiques.".
Un discours prometteur mais tout aussi rêveur puisque ce sont les lois elles-mêmes qui ont facilité l’arrivée des investisseurs spéculateurs sur le marché. « Les Etats veulent garder leur souveraineté dans le marché alimentaire, c’est une réalité. » regrette Sena Adessou, chargé de programme chez INADES-Formation Togo. « En Afrique, la flambée des prix agit sur les denrées de consommation de masse. La capacité des ménages à se procurer des aliments de base devient faible.» ajoute-t-il.
« La nourriture est un droit humain »
La date de ce colloque (le 5 octobre) mené par le Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement - Terre Solidaire n'avait rien d'anodin. À cinq jours d'un prochain Comité de la Sécurité Alimentaire mondiale (aux Nations Unies), le 10 octobre, l'organisation a souhaité remettre à l'ordre du jour le fléau de la spéculation dans le marché alimentaire mondial.
À défaut de pouvoir compter sur les politiques gouvernementales, lors de rassemblements comme le G7, pour étudier une régulation plus stricte avec les "traders" (spéculateurs), le travail des acteurs de la société civile apparaît essentiel.
Pour conclure ce colloque, la présidente de CCFD - Terre Solidaire Sylvie Bukhari de Ponctual a voulu rappeler que « les premières victimes les plus vulnérables sont des pays du Sud », mais que « 10% des populations européennes sont aussi en situation de crise alimentaire ». Avant de terminer par le propos le plus symbolique de cet événement : « l’alimentation n’est pas un objet de spéculation, c’est un droit. ».
En plus des limites à la crise alimentaire, des solutions ont été évoquées pour y palier. Les deux principales : exclure les spéculateurs du marché et faire de la production de denrée alimentaire une réflexion de politique publique, au sein de son propre Etat. Une production basée sur des dynamiques territoriales. Durable et locale, c'est ce que l'on appelle une transition vers l’agro-écologie.
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